Le nord du Soudan, c’est l’ancienne Nubie, le Pays des pharaons noirs, une région riche en vestiges archéologiques où les pyramides sont plus nombreuses qu’en Egypte. Pourtant ce n’est pas au passé que j’ai décidé de consacrer ma première publication sur ce pays, mais à ceux que nous avons rencontrés le temps d’une photo ou de quelques mots échangés. Ceux qui, oubliés des médias internationaux, continuent de se battre et d’espérer que leur pays devienne un peu plus démocratique.
La bourgade était totalement déserte en ce milieu d’après-midi. Soleil de plomb, mouches à la limite du supportable. Mes compagnons de voyage visitaient une école. Je déambulais seul. Il faisait simplement l’école buissonnière. On n’échange pas grand chose dans ces moments-là, j’ai juste précisé France et Philippe (je réduis à Philippe, plus simple). Lui m’a certainement dit un prénom que je n’ai pas noté. Mais qu’importe, nous avons partagé un chapeau, mon appareil photo, des sourires, des gestes, un moment qu’étrangement, j’oublierai probablement moins vite que lui…
Pour veiller sur 2 000 ans d’histoire, il faut avoir une certaine prestance. Dans sa tenue bleu camouflage et son béret couleur de paix, il en avait assurément. Les pyramides du site de Nuri sont celles d’une des plus importantes dynasties qui régna sur le pays de Kouch, nom donné à la Nubie par les anciens Egyptiens. Et même si parfois les tombeaux royaux ressemblent davantage à des buttes de sable érodées par le vent qu’à de fiers tétraèdres, ils méritent toute l’attention que leur porte l’actuel gardien.
Tout était parfait, le bleu sale des murs, les couleurs criardes des guirlandes, la fumée des charbons et son regard indifférent à ma présence ou peut-être agacé. Mais l’image était trop belle pour raconter un peu ce pays. Au coin des rues, sur les grandes artères, à l’ombre d’un parasol ou dans un réduit aménagé, les Sitta chay (vendeuses de thé) proposent le chay fortement aromatisé aux épices et au lait, le jebana, café traditionnel et parfois un verre de karkade, une infusion à base de fleurs d’hibiscus.
C’est aux dernières heures du jour, que nous avons rejoint le site de Méroé. Abandonné des rares touristes, il était redevenu le terrain de jeu des enfants. À l’ombre des pyramides qui s’étire à l’infini, le sable si fin invite à toutes les roulades.
Quelques braiments, le grincement de bois et de poulies. Sur un léger monticule de terre dure d’avoir tant été piétiné, le plus rudimentaire des puits a une profondeur fièrement annoncée de 80 mètres. On n’en doute pas. Ici on n’enroule pas la corde avec une manivelle. Un âne guidé par un gamin la tire simplement en ligne droite sur une sente mille fois battue. Et gare si l’enfant perd le contrôle du bourricot aguiché par une femelle…
Khartoum, tous les vendredis, après la prière de 16 heures. Des derviches soufis dans des costumes aux patchworks colorés entament une transe au pied de la tombe du Sheik Hamad-al Nil, un maitre soufi du XIXe siècle. En cercle, des centaines de personnes scandent des prières au rythme des tambours. Difficile de rester insensible à cette respiration du monde.
Lorsque nous sommes arrivés et que nous sommes allés le chercher pour qu’il nous ouvre le temple dédié au Lion Apedemak de Naqa, l’homme n‘était pas si souriant, on peut même dire qu’il faisait un peu la gueule. Peut-être pressé de s’en retourner, il n’attendit pas que nous soyons tous ressortis pour repousser la lourde porte et enferma dans le noir du temple millénaire l’un d’entre nous. Le cri qui s’échappa derrière une colonne le mit en joie et c’est sur ce beau sourire que nous l’avons quitté…
Lorsque j’ai aperçu le premier, j’ai pensé qu’il se la pétait un peu dans son étrange accoutrement… Dans ce monastère copte perdu au milieu de la savane, dont le nom Gazhali rappelle qu’autrefois des milliers de gazelles vivaient ici, ces deux compagnons du devoir autrichiens, en tenue traditionnelle, participent à la rénovation du site. Culotte de peau et chapeau tyrolien sous 35°….
Murs de torchis mais portail rehaussé de couleurs pétantes. Une tradition nubienne, paraît-il. La Nubie correspond aujourd’hui à une région située au nord du Soudan et au Sud de l’Égypte. Tantôt rivale, parfois soumise et un temps, conquérante de l’empire égyptien, la Nubie a trop longtemps été considérée comme une terre inféodée à l’empire égyptien. Aujourd’hui, les Soudanais revendiquent leur propre culture et sont fiers de pouvoir partager leur longue et riche histoire.
Je n’ai qu’un ouvrage à vous conseiller, « Histoire et civilisation du Soudan » aux Éditions Soleb. Un pavé écrit par des spécialistes, mais génial pour comprendre la longue et grande épopée du peuple nubien.
Avec l’Agence Tamera qui propose un superbe circuit d’une quinzaine de jours autour des grands sites nubiens. Comme moi, vous en reviendrez amoureux de ce pays et de ses habitants. Avec l’envie folle d’y retourner.