Complément d’histoire
AU PIED DES MONTS CAUCASE, LÀ OÙ SELON LA BIBLE NOÉ PLANTA SA VIGNE, LES PREMIERS VIGNOBLES PRIRENT RACINE.
En 2017, les archéologues géorgiens du Gadachrili Gora Regional Archaeological Project Expedition (Grape) ont mis au jour des fragments de céramique qui, après analyses, ont révélé la présence d’acide tartrique, un marqueur convaincant du vin contenu autrefois dans ces céramiques.Cette découverte récente prouve que la consommation de vin existait déjà il y a au moins 8.000 ans, au pied du Caucase. D’ailleurs en 2011, le plus ancien « chai » connu à ce jour était mis au jour sur le site arménien d’Areni ; les restes d’un pot et d’une cuve d’une cinquantaine de litres ainsi qu’une bassine en argile surmontée d’une rigole témoignent qu’ici des vignerons œuvraient, il y a 6 100 ans.
La région du Caucase peut être considérée comme l’un, voire, le berceau de la culture du vin. La Géorgie abrite plus de 500 variétés de plants de vigne, ce qui suggère que des cépages ont été domestiqués et croisés dans la région depuis très longtemps. Appelée lambrusque, la vigne sauvage, Vitis sylvesrtis est présente sur une large part du bassin méditerranéen. Ses petites baies noires, juteuses et sucrées poussent sur des lianes immenses atteignant, à la faveur des arbres, 30 ou 40 mètres de haut. « La grande différence entre les pieds sauvages et les pieds domestiques est que les premiers sont à sexes séparés alors que les seconds sont hermaphrodites
On ignore aujourd’hui comment a pu se faire la domestication, peut-être en sélectionnant des pieds hermaphrodites, mais leur pourcentage dans la nature reste très faible.» souligne Laurent Bouby, Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie – CNRS. Cette primo-domestication se situe dans le sud-ouest asiatique, au pied des monts Caucase. «D’autres tentatives de domestication ont pu avoir lieu ailleurs, par exemple sur le site de Dikili Tash en Grèce où du vin a certainement été produit à la fin du Ve millénaire. Mais les analyses génétiques ont tendance à montrer que les vignes cultivées aujourd’hui en Europe, en dépit d’une diversification régionale, conservent un patrimoine génétique qui provient largement de ce sud-ouest asiatique.» précise Laurent Bouby.
Les sites caucasiens de Shulaveri-Gora (Géorgie) et de Hajji Firuz Tepe (Iran) ont livré les vestiges de vinification datés entre 5 600 – 5000 avant J.-C. Des pépins en association avec des vases ayant contenu du vin additionné de résine de térébinthe destinée à combattre les bactéries acétiques. La vinification est alors assez simple : on récolte à la main, on foule au pied, on réserve dans de grandes dolia.
Amours représentant un marchand de vin donnant une tasse à un client. Fresque de la Villa Vettii de Pompéi.
Il faudra patienter jusqu’au second millénaire pour que les techniques se perfectionnent et qu’apparaissent les premiers pressoirs à levier, et bien plus tard encore des systèmes de cordes, de poulies et à vis. Entre temps, les ceps ont gagné des hectares. Leur culture irradie à travers tout le Moyen orient, dans une aire géographique de plus en plus étendue. Leur présence est attestée en Palestine comme en Israël au IVe millénaire. Dès le IIIe millénaire, on plante cette « bière des montagnes » sur quelques coteaux mésopotamiens, généralement dans des jardins clos. Sa production est destinée aux temples et aux souverains. Cependant la vigne ne s’est jamais développée en Mésopotamie qui est restée une terre céréalière. En revanche, les Égyptiens sont devenus de véritables vignerons. La vigne, liane sylvestre des pays tempérés, fut introduite sur les bords du Nil très tôt, pendant le Néolithique. Dès le IVe millénaire, on la cultive dans le delta qui demeura longtemps la région viticole de l’Égypte. Il faut attendre le Nouvel Empire (1543 – 1070) pour qu’apparaissent avec certitude des vignobles plus au sud. Les vignes sont alors cultivées sur des coteaux non inondables en marge de la plaine sur des terres dites neuves, travaillées à la houe.
Les sarments sont d’abord plantés pour former des treilles puis sur des pergolas. L’une des plus extraordinaires est certainement celle du roi Akhenaton (1351 – 1334) sur le site du Tell el-Amarna, elle couvrait 1,26 hectare. Ramsès II (1279 – 1213) amplifie la vocation vinicole de son royaume. Dans le Ramessum, son temple funéraire, 679 étiquettes précisent des noms de 34 crus, d’autant de vignerons et de millésimes. Dans d’autres tombes des jarres sont également découvertes. La trentaine mises au jour dans celle de Toutankhamon était classée en trois crus, les vins, les vins doux et les vins de grenade, probablement les meilleurs. Les vignobles portaient les noms de Domaine d’Aton du fleuve de l’ouest, ou Domaine de Toutankhamon, seigneur d’Heliopolis en Haute-Égypte. Vie ! Prospérité ! Santé ! Du fleuve de l’Ouest. Le vin pouvait être aromatisé avec des fruits, mais aussi « mélangé », il pourrait s’agir d’assortiments de cépages. Certaines amphores, fabriquées pour des événements importants, portaient les inscriptions précisant la provenance du vin, le nom du domaine, celui du maitre de chai. Originaire d’Anatolie, la civilisation hittite a hérité d’une longue tradition viticole.
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La célèbre scène de l’Ivresse de Noé, tirée de l’Ancien Testament, représentée par le peintre Flamand du XVIe, Frans Floris.
Dès le IIe millénaire avant J.-C. les tablettes d’argile découvertes dans sa capitale Hattusa font état de plusieurs sortes de vin, le rouge, le blanc, le bon vin, le vin miellé, le vin nouveau et le vin piqué, mais également différents corps de métiers dont des vignerons, des cavistes et même des échansons. La plupart des vignes appartient au roi ou se trouve sous la protection d’un temple. Est alors punie toute personne qui y causerait des dommages. Disséminée un peu partout dans le royaume, la production ne paraît pas suffisante et les Hittites importent également du vin des régions méridionales. Car si la culture de la vigne se répand, le commerce du vin est tout aussi florissant ; L’une des toutes premières importations connues est celle de vin palestinien que le roi égyptien Scorpion 1er se fit livrer vers 3150 avant J.-C. pour l’accompagner dans son voyage vers l’au-delà, pas moins de 4 500 litres. Bien que la vigne soit produite sur quelques coteaux, le vin reste avant tout pour la culture mésopotamienne un produit d’importation. Les informations les plus précises sur la commercialisation du vin proviennent des archives de Mari (Syrie). Cette cité-État qui connait son apogée au cours du IIe millénaire a laissé 20 000 tablettes d’argile dont la plupart traitent du commerce mésopotamien. Ces tablettes évoquent des vins de différentes qualités, qu’il soit rouge, doux, vieux, aromatisés.
On apprend également que le roi de Mari prélevait des taxes, mais que le commerce du vin restait lucratif. Les Phéniciens qui à partir du IIe millénaire fondent des comptoirs sur les côtes orientales de la Méditerranée jouent aussi un rôle important dans ce commerce. En 1999, deux épaves de navires découverts au large d’Askhelon (Israël) et en route pour Carthage ou l’Égypte, ont livré près de huit cents amphores de vin. « À partir du Ier millénaire, le commerce de ce produit prestigieux se développe depuis la Méditerranée orientale vers l’Ouest. Vers 500 avant J.-C. la majorité des régions méditerranéennes consomment et/ou produisent du vin. » souligne Laurent Bouby. Le vin n’en reste pas moins un produit de luxe à forte connotation religieuse, destiné aux dieux et à l’aristocratie. Sa couleur plus ou moins rouge le relie en effet au sang et donc à la vie. « Le couple vin-sang figure au premier rang des « aliments-totems » qui symbolisent la nature des échanges entre l’homme et son milieu » résument Matthieu Poux et Michael Dietler dans Le vin, nectar des Dieux, génie des Hommes, ouvrage collectif (Edition Infolio 2004)
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La statuette du Tamada, découverte en Georgie, date du 7e siècle avant notre ère. Elle symbolise l’ancienneté de la culture du vin dans ce pays.
En Mésopotamie, la boisson est associée à Gilgamesh. Ce roi légendaire dont l’épopée éponyme date du 2e millénaire, découvre, dans sa quête d’immortalité, une vigne qui pourrait la lui offrir. En Égypte, Chesmou est le dieu du pressoir et dans ce cadre écrase les ennemis dont le sang jaillit comme le jus du raisin. Les dieux Hathor, Sekhmet, Osiris ou Sothis portent le qualificatif de Maitre du vin. Il est d’ailleurs admis que l’ivresse permet d’entrer en contact avec eux. Enfin le vin est parmi les offrandes présentées chaque jour aux dieux lors de la Cérémonie de l‘ouverture de la bouche. Chez les étrusques qui l’adoptent à partir du VIIIe siècle avant J.-C., le vin est présent lors des banquets funéraires. « Le symposion étrusque entretient des liens étroits avec la mort, dont la nature est difficile à cerner : rite de passage dans l’autre monde, dont le vin serait le vecteur, garantie d’une éternité bienheureuse ou allusion aux joies perdues et à la brièveté de l’existence ? L’absence de sources écrites n’autorise guère à trancher » précise Matthieu Poux.
Boisson divine, elle est celle que les hauts dignitaires doivent avoir à leur table et surtout, afin de montrer leur puissance, offrir avec générosité. A Mari, les rois la distribuent à leurs soldats et autres fonctionnaires. Lors de l’inauguration de sa nouvelle capitale, Assurnasirpal II, roi d’Assyrie de 883 à 859 av. J.-C aurait proposé 10 000 outres de vin à ses hôtes. Toujours présent sur les tables des rois et des dignitaires égyptiens, le pharaon Sethi 1er (1290 1279) offrit du vin à ses soldats à l’occasion d’une de ses victoires.
Si le vin reste la boisson des élites, une opposition apparait entre les régions orientales de la Mésopotamie et de l’Ègypte où les buveurs de bière restent majoritaires et les régions plus occidentales du pourtour méditerranéen où le développement du vignoble permet au vin de se répandre plus largement dans les couches de la société. A tel point qu’au IIe siècle avant J.-C., le politicien grec Polybe constate que le vin à Marseille ne vaut pas plus de deux oboles la métrète, soit environ les 27 litres.
Un Documentaire sur les plus anciens vins
Les archéologues du Gadachrili Gora Regional Archaeological Project Expedition (Grape) explorent deux sites du Néolithique ancien appelés Gadachrili Gora et Shulaveris Gora, à environ 50 kilomètres au sud de la capitale de la Géorgie, Tbilissi. Les fouilles sont menées conjointement par l’université de Toronto (Canada) et le Musée national géorgien. Lors de fouilles effectuées en 2017 des poteries âgées d’environ 8.000 ans ont été retrouvées. Des traces chimiques montrent que celles-ci contenaient du vin. Cette découverte repousse plus loin dans le passé la date des premières consommations de cet alcool par l’humanité.
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