Complément d’histoire
PERDUE AU MILIEU DU DÉSERT, DISSIMULÉE PAR LES ROCHES, PROTÉGÉE PAR SES SIQ, CAPITALE D’UN PEUPLE NOMADE, PÉTRA FUT D’ABORD UN CARREFOUR COMMERCIAL. AVANT DE DEVENIR UN CHEF-D’ŒUVRE DE L’ANTIQUITÉ.
On a beau le savoir, on l’a lu cent fois et pourtant la magie opère. Il faut s’imaginer marchant au fond d’un étroit et poussiéreux canyon. Le Sîq, large d’à peine quelques mètres, mais haut de plusieurs dizaines de mètres serpente sur plus de 1,2 km. Et au détour d’un coude, l’improbable façade apparaît, tel un château extrait de la roche rose. La Khazneh ou Trésor est le plus célèbre des monuments de Pétra, celui dont s’inspira Hergé dans Coke en Stock, celui qui sert de décor final à La dernière croisade d’Indiana Jones et qui fut aussi un Rendez-vous avec la mort pour Agatha Christie. Mais elle n’est pas unique. Le plus fabuleux site archéologique de Jordanie comptent quelques 600 façades creusées dans la pierre.
Aux confins de trois déserts, celui d’Arabie, de Syrie et du Néguev, l’ancienne cité de Pétra est située dans une immense cuvette, cernée de hautes murailles de grés rouge.
Une cuvette de 3 kilomètres sur 5, sèche et désertique, écrasée de chaleur en été, inondée par les torrents aussi furieux qu’éphémères en hiver. Pas le lieu idéal pour installer une ville et encore moins une capitale ! Pourtant, c’est ce qu’ont fait les Nabatéens. Nous sommes au IVe siècle avant J.-C. Ce peuple nomade y plante alors régulièrement ses tentes pour quelques semaines, peut-être quelques mois avant de reprendre ses incessantes marches à travers le désert, parcourant inlassablement les étendues semi-arides de la péninsule arabique. D’après le géographe grec Strabon, les caravanes nabatéennes sont immenses, ressemblant à de véritables armées en mouvement. Dans l’actuel Yémen, ils achètent la myrrhe et l’encens, qu’ils revendent ensuite à Gaza, Alexandrie et dans les ports de la Méditerranée, où ils sont exportés vers la Grèce et l’Italie. Avec l’Afrique, ils font commerce d’or et d’ivoire.
Datées de la fin du Ve siècle, les mosaïques servaient de pavement d’une église de la période byzantine du site.
D’autres produits viennent de plus loin encore, comme les riches soieries chinoises ou les précieuses épices indiennes. Bien qu’encore nomades, les Nabatéens parsèment leurs parcours de comptoirs. Puis aux alentours du deuxième siècle avant J.-C., enrichis par le commerce, ils se sédentarisent. Pétra, l’un des principaux carrefours de leur négoce, est un lieu idéal, sauf qu’elle manque d’eau. Les quelques sources, plus ou moins pérennes, dont la fameuse source de Moïse (voir encadré), ne sont pas suffisantes pour une population en pleine croissance. Or de l’eau, il y a en a. Celle des orages saisonniers. Aussi puissants que dévastateurs, leurs flots dévalent en torrents les montagnes pour se répandre dans les wadi, ces lits de cailloux qui se transforment en fleuves impétueux durant quelques heures. Les Nabatéens vont en tirer profit et mettre en place un système complexe de canaux creusés dans la roche et de canalisations pour récupérer le moindre ruissellement. Les principaux wadi sont équipés de retenues qui alimentent la ville et les cultures.
Pas moins de 40 barrages, 200 citernes et autant de kilomètres de conduits ont été repérés par les archéologues. Pourtant, il faut bien le reconnaître, ce n’est pas pour leur génie hydraulique que les Nabatéens sont entrés dans l’histoire, mais bien pour leurs prouesses architecturales. Ce peuple longtemps nomade, conducteurs de chameaux et éleveurs de moutons a modelé dans la montagne d’incroyables trompe-l’œil. Sculptées à même la roche, les plus grandes façades atteignent 40 mètres de haut. Elles sont agrémentées de colonnes, de tympans ou d’architraves, décorées de frises, de créneaux ou de statues. Certaines sont bariolées des veines bleues, ocre, blanches du minéral. N’ayant jamais rien bâti auparavant, les architectes nabatéens s’inspirent des grandes civilisations qu’ils côtoient, mêlant les influences gréco-romaines, assyriennes ou égyptiennes pour élever la Tombe du palais, le Tombeau de l’urne ou la Tombe des Obélisques.
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Sculpté dans la falaise au Ier siècle, le théâtre de Pétra a été agrandi par les Romains pour accueillir 3 000 spectateurs.
Derrière ces impressionnantes façades, ne se trouve généralement qu’une seule pièce aveugle, creusée dans la roche et destinée à recevoir les corps d’un ou plusieurs défunts, généralement de la même lignée. Les archéologues admettent, sans certitude, que les plus majestueuses réalisations ont été commandées par les familles royales. Ainsi, le fameux Trésor pourrait être la dernière demeure du roi Aretas IV qui règne de 8 av. J.-C à 40 après J.-C. Pétra est à son apogée. La ville grouille de ses 30 000 habitants. Le long de la rue principale, toujours flanquée de sa colonnade, se trouvent des édifices religieux comme le Grand temple, celui des Lions ailés, ou le Qasr al-Bint ; un peu plus loin l’imposant théâtre peut accueillir 3 000 personnes.
Mais le site qui attire alors tous les regards est un vaste bassin, au milieu duquel une île abrite un « restaurant ». Une telle réalisation au milieu du désert ne peut qu’impressionner les visiteurs…
Avant la fin de l’après-midi, empruntez le Wadi Khararib, grimpez le long de l’ancienne voie nabatéenne, qui parfois se transforme en un long escalier. Courage ! Là-haut se trouve le Deir ou Monastère. Les proportions de ce cénotaphe sont extraordinaires, 50 mètres de large pour 45 de haut, la perfection de ses lignes et son incroyable conservation dévoilent toute leur magnificence à l’heure où le soleil se couche.
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La source de Moïse
« L’Eternel dit à Moïse : Prends aussi dans ta main ton bâton, celui avec lequel tu as frappé le fleuve, et marche ! Je me tiendrai devant toi sur le rocher d’Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau et le peuple boira.» (Exode 17 1-7) La tradition situe la source de Moïse dans l’ancienne ville de Gaïa (aujourd’hui Wadi Musa) en Jordanie.
Cette source pérenne abreuve le site de Pétra, dont elle est pourtant éloignée de 7 kilomètres ! Pour canaliser l’eau jusqu’à leur cité, les Nabatéens utilisèrent des dizaines de milliers de tubes en terre standardisés, longs de 30 cm. Mais ce qui fascine les archéologues est que, sur une telle distance et à travers un paysage relativement chaotique, les ingénieurs antiques ont conservé une pente moyenne de 4 %, idéale pour un bon débit, sans risquer une surpression qui briserait les canalisations. Des principes qui ne seront mis en évidence que 2 000 ans plus tard !
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