Voyage Grand format
Découvrir Panama City depuis le hublot de l’avion, après 11 heures de vol de Paris, c’est plonger en pleine science-fiction. Au pied du pont des Amériques, des dizaines de navires attendent leur tour pour franchir le fameux canal de Panama. A droite de la baie, un bouquet de gratte-ciels émerge d’un maillage serré de voies express, de centres commerciaux à l’américaine. Modèle du genre: l’iconique Revolution Tower et son hélice tout en verre. De l’autre côté de la baie, une longue route-digue relie la cité coloniale et le Musée de la biodiversité, jeu de cubes multicolores imaginé en 2013 par l’architecte Frank Gehry. Plus loin encore, ce sont les îles, avec leurs plages, leurs cocotiers, leurs restaurants au bord de l’eau.
Le lendemain, on est aux premières loges sur le belvédère des écluses de Miraflores. Deux monstres flottants, chargés d’une montagne de conteneurs multicolores, avancent en sens inverse dans leurs couloirs d’eau, tractés par des locomotives électriques. Les gigantesques portes des écluses se ferment. En quelques minutes, les navires sont soulevés par l’eau pompée et mis à niveau pour poursuivre leur route, l’un vers le Pacifique, l’autre vers l’Atlantique. Chaque jour, des dizaines de bateaux franchissent ainsi les « marches aquatiques » du canal de Panama, agrandi en 2014. Les plus imposants mesurent 42,80 mètres de large. Coût du passage : environ 300 000 dollars. Pour prendre la mesure de l’exploit, il faut remonter le fil de l’histoire.
PARTIR AU PANAMA
Avec le voyagiste Tirawa, qui propose des circuits en petits groupes ou sur mesure pour une découverte complète du pays.
Au bord du Pacifique, face aux skyscrapers de Panama City, le site archéologique de Panama Viejo déploie ses ruines endormies à l’ombre des ficus. C’est là que s’est établie la première colonie espagnole, en 1510. « Tout l’or et l’argent des mines d’Amérique du Sud convergeait autrefois vers cette cité, explique notre guide Gabriel en recoiffant ses cheveux gominés. Les cargaisons partaient ensuite à dos de mule par le Camino Real, le chemin qui coupait à travers la jungle, vers la côte Atlantique. De là, les gallions prenaient le relais et faisaient voile vers l’Espagne ». Est-il utile de le préciser ? Leur connaissance du terrain, les colons espagnols la tiraient des populations indigènes, qui savaient tailler des pirogues, tresser des hamacs ou cueillir des ananas… Après la destruction de Panama Viejo par le pirate Henri Morgan, en 1671, la cité est reconstruite dans la baie, sur un emplacement plus facile à défendre.
C’est dans ce quartier historique de Casco Antiguo, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, qu’on prend le mieux le pouls de la ville. Aménagé dans un palais du XIXe siècle, un passionnant musée y retrace toute l’histoire du canal interocéanique, entrepris par les Français en 1880 et achevé par les Américains en 1914.
« Voir les gigantesques porte-conteneurs franchir les écluses du canal de Panama m’a beaucoup impressionnée. Surtout quand j’ai compris qu’à quelques kilomètres de là, les Indiens Emberra pêchaient encore en pirogue sur le rio Chagres. »
Long de 80 km, cet ouvrage titanesque nécessita la mise en eau du lac Gatun et la construction de trois séries d’écluses. Dehors, le soleil illumine la cathédrale, les demeures aux façades safran, les plazas pavées où fourmillent les terrasses de cafés. On s’offre un authentique Panama Hat, ce chapeau de paille ultra-léger popularisé par le président Roosevelt au début du siècle. On savoure un ceviche (poisson cru mariné au jus de citron vert) et une bière Balboa dans une gargotte du marché aux poissons. Puis on flâne sur la promenade du bord de mer, avec vue imprenable sur les gratte-ciels de la city. C’est à bord du train panoramique de la Panama Canal Railway Cie qu’on rejoint Colon, sur la côte Atlantique. De là, les petites routes truffées de nids de poule appellent à l’aventure.
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Deux porte-conteneurs se croisent aux écluses de Gatun, aux portes de Panama City. Attention, spectacle!
Entre ports endormis et vieux fortins espagnols, surgit parfois un Diablo Rojo, un de ces bus à bout de souffle qui sillonnaient autrefois tout le pays : chromes rutilants, crucifix en bandoulière et carrosseries peintes de fresques naïves, ils restent l’âme du Panama ! Au parc national de Soberaina, on découvre les trésors de la forêt primaire en compagnie d’un guide naturaliste: plumage éclatant des toucans au-dessus de la canopée, vol stationnaire des colibris qui butinent, convoi de fourmis aztèques transportant des feuilles, armures d’épines des palmiers chunga, extrême lenteur des paresseux, suspendus tête en bas dans les lianes… Mais il est temps d’embarquer sur le rio Chagres à bord de la longue pirogue à moteur d’Erito.
Pagne en tissu rouge et corps tatoué au suc de jagua, un fruit comestible, cet indien Emberra fait partie d’une des ethnies originelles du Panama. Il vit au village de San Juan de Pequeni, au cœur de la mangrove. Après une heure de navigation, la pirogue accoste une crique sablonneuse. Entre bananiers, cocotiers et anarcadiers, se blottissent des cases à toits de chaume sur pilotis. Ici, tout le monde vit nu, ou presque. Comme leurs ancêtres avant eux, les Emberras parlent encore leur langue, ils se déplacent en pirogue, se lavent dans la rivière, pêchent, chassent et cultivent leurs petits lopins de terre pour se nourrir.« Nos enfants ne connaissent pas la ville, assure Erito, mais ce sont de vrais Panaméens.
70 histoires vraies qui parlent
d’empathie, d’entraide et
d’amitié.
Vol de colibris jacobin (florisuga mellivora) au parc national de Soberaina. Ces oiseaux nectarivores pèsent environ 6 grammes pièce.
Chaque jour, ils partent à l’école à pied à travers la jungle. Là, dans la langue espagnole, le maître leur apprend les mathématiques, l’histoire, les sciences naturelles. » Après une cérémonie ponctuée de chants et de danses, les villageois partagent avec nous leur repas. Au menu, poisson tilapia et bananes plantain. Puis c’est l’heure de la baignade dans la rivière. Dans la pirogue qui nous ramène au soir vers la civilisation, chacun se fait songeur. Combien de temps tiendra encore ce paradis perdu ? Et n’est-il pas qu’une illusion ? Dernier acte de ce périple panaméen : Isla Colon, la plus grande des îles de l’archipel Bocas del Toro. On y accède en avion, près de la frontière avec le Costa Rica. Bleu des mers du sud, jaune soleil, rose malabar…
Dans sa capitale de poche, des maisons en bois aux couleurs pepsy s’alignent au bord de l’eau. Le meilleur moyen de découvrir cette île tissée de plages blondes, de mangroves, de jungle? Filer à bicyclette sur les petites routes. Se balançant de lianes en lianes, dans les grands arbres de la forêt, des bandes de singes hurleurs jouent les comités d’accueil. Au bout de l’île, la plage de Boca del Drago déroule ses kilomètres de sable vierge, blanc comme farine. Un poisson grillé et un jus mangue-coco en terrasse, une partie de chasse aux coquillages, un tour en lancha (pirogue à moteur) vers les pitons chevelus où nichent les oiseaux paille-en-queue, au large : ici, la vie s’écoule doucement. C’est l’art de vivre en panama.
UN LIVRE, UNE VOIX
Promenades en bord de mer et étonnements heureux, Olivier de Kersauson, éd. Cherche Midi.
Un extrait de 3 mn lu par Pascale Desclos
« Quand je regarde la mer, je me promène dans le temps du monde« , écrit le marin Olivier de Kersauson quand il fait le poète. Un temps fort de ce livre aux saveurs iodées : le passage du Canal de Panama, entre deux océans.
Petit ponton bien cool sur la plage de Boca del Drago sur l’île de Colon, dans l’archipel Bocas del Toro.
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INFOS : Office du tourisme du Panama. Passeport en cours de validité. Monnaie : le balboa ou le dollar américain. Bon à savoir : le Panama offre aux touristes étrangers entrant par l’aéroport international de Tocumen une assurance voyage valable 30 jours, couvrant tous les frais liés aux accidents, maladies, vol ou perte de pièces d’identité durant leur séjour.
BONNES ADRESSES
A Panama City, Radisson Hotel Panama Canal. Un hôtel au charme cosy, avec jardin-piscine au pied du Pacifique et du pont des Amériques. Un dîner? Cap vers l’un des restaurants typiques du quartier colonial : le Café René, sur la plaza de la Cathedral ou le Las Bovedas, sur la plaza de Francia.
Dans le parc national de Soberania, Gamboa Rainforest Resort. Un lodge au coeur de la jungle, sur les rives du rio Chagres. Superbe piscine-cascade et délicieux restaurant-buffet.
Dans l’archipel de Bocas del Toro, Hôtel Playa Tortuga à Isla Colon. Un 3* aux couleurs créoles, posé entre jardin, piscine et plage aux eaux cristallines. Excursions à vélo ou en bateau au départ de l’hôtel. Un déjeuner? Cap sur la terrasse du Yarisnori, au bord de l’idyllique plage de Boca del Drago.
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