Du Havre à Dieppe, la côte d’Albâtre déroule ses falaises de craie blanche sur 130 km. Inutile de présenter Etretat, petite merveille géologique. Les plus grands peintres du XIXe siècle, Claude Monet, Gustave Courbet, Camille Corot, Eugène Delacroix, ont immortalisé le spectacle par tous les temps. Aujourd’hui, même les Japonais sont fans! N’empêche, c’est toujours un bonheur de filer sur le chemin des crêtes pour admirer la Porte et la grande Aiguille de près. Là-haut, le vent souffle, les mouettes planent, on a un peu le vertige. Mais on ne se lasse de regarder le tableau offert par le paysage aux couleurs changeantes.
Quand le soleil point, il fait bon déambuler sur la digue-promenade de Fécamp, en s’amusant au petit spectacle de la station balnéaire. Là, des touristes pique-niquent sous l’oeil acéré des goëlands. Plus loin, des ados en goguette se font des selfies sur les galets. Avis aux aquatiques impénitents : la température de l’eau oscille entre 10° (en hiver) et 17° (en été). Les plus frileux se consolent en admirant les gracieuses naïades en bronze du sculpteur Dominique Denry. Une oeuvre de 2017 opportunément intitulée « L’Heure du bain ».
La grande époque des Terre-neuvas, qui partaient de Fécamp pêcher la morue dans le Grand Nord, s’est achevée en 1987, avec le départ du dernier bateau-usine. Pour découvrir leur histoire, on pousse la porte du Musée des Pêcheries, ouvert en 2017 dans une ancienne sécherie de morues. Sa tour de verre offre une vue à 360° sur le large et la ville et au fil du parcours, des histoires de vie se dessinent : les hommes au travail en mer et les femmes guettant leur retour au port, la dureté des jours anciens, les doigts gelés, les tempêtes, les ex-voto de trois-mâts et les fragiles doris d’où les marins relevaient les lignes aux milliers d’hameçons… Prenant!
Au XIXe siècle, le tourisme débute sur la côte d’Albâtre, les “peintres des falaises” croquent les paysages maritimes, la vie quotidienne, le choc des cultures entre les estivants et les gens du pays. Parmi les toiles présentées au Musée des Pêcheries de Fécamp, « La Mauvaise nouvelle » de Pierre-Marie Beyle (1838-1902). Une trouée de lumière laisse entrevoir les caïques échouées sur la plage d’Yport, tandis qu’on ramène le corps d’un marin noyé. Plutôt que le moment tragique de la noyade ou celui de l’annonce à l’épouse, le peintre a représenté l’instant suspendu qui sépare ces deux scènes.
Bénouville, Fonds d’Etigues, Yport ou ici Vaucottes… Au rythme de la randonnée, la côte d’Albâtre dévoile ses vertes valleuses. C’est la campagne à la mer! “Formées sous l’océan au crétacé, il y a des millions d’années, nos falaises doivent leur craie blanche aux coquilles fossilisées des animaux marins et leurs stries de silex aux végétaux piégés dans la roche, explique Cyriaque, guide naturaliste à Nattera. Quand les parois érodées s’effondrent, la craie se dissout dans l’eau, lui donnant sa couleur laiteuse. Le silex, plus dur à user, se transforme en milliers de galets”.
Au Tout Va Bien, les patrons s’appellent Jeanine et Alain. Comptoir en formica jaune, chaises bistrot et lampes seventies, le décor de ce chouette rade à marins, amarré à une rue du port de Fécamp, n’a pas changé depuis l’ouverture, il y a 40 ans. « A l’époque, on ouvrait à 5 heures du matin pour les ouvriers des usines à poissons, raconte Alain. C’était l’heure du café-calva. Maintenant que les usines ont fermé, c’est plus calme. On joue aux dominos.«
Au XIXe siècle, la pudeur exigeait que les baigneurs se changent à l’abri des regards. Alors on a inventé les cabines de bain, d’abord tractées par des chevaux, pour emmener leurs occupants directement dans l’eau, puis alignées le long des plages. Au port de poche d’Yport, entre Etretat et Fécamp, elles font encore partie de la carte postale. Reconstruites en 2006 et reliées par un chemin de planches, elle arborent des rayures bleues et blanches assorties aux falaises, aux marées, aux ciels changeants. La commune les loue à l’année aux habitants ou à la semaine aux estivants.
A 2 km à vol de mouette de la plage de Varengeville-sur-Mer, une allée de hêtres mène à un vieux manoir fortifié. Bienvenue dans le palais d’été de l’armateur dieppois Jean Ango. Bâti au XVIe siècle, il abrite encore une loggia de style Renaissance et un pigeonnier de 1600 boulins . C’est dire la richesse de l’ancien maître des lieux, qui navigua sur toutes les mers du monde, jusqu’à Sumatra, pour rapporter tissus, épices et ivoire. Las, trop sûr de lui, il avança la rançon pour libérer François 1er après la bataille de Pavie. Le roi de France ne remboursa jamais le fier capitaine, qui finit ses jours ruiné.
Veules-les-Roses abrite le plus petit fleuve de France. Prenant sa source au bout du village, ses eaux courent sur 1149 mètres exactement, avant de se jeter dans la mer. Un autre trésor local : l’église St-Martin, reconstruite au XVe siècle, en pleine Renaissance normande. Les piliers en grès du choeur s’ornent d’une foule de petits motifs sculptés. Sirènes, navires, dauphins, le registre est d’inspiration maritime. Les marins-sculpteurs semblent aussi avoir brodé autour de leurs voyages au long cours. On n’a pas fini de s’interroger sur le masque triface à plumes, le buste humain à la barbe en grelots ou la femme avec miroir et brûle-parfum!
Céramiques-homards, lustres et nappes blanches… Loin de l’agitation du front de mer, le long des quais de Dieppe, le Comptoir à Huîtres a des allures de brasserie parisienne bien dans son jus. Stéphane Barq et son équipe ont repris en main cet ex-bar à dockers en 2004. Ici, on vous présente la pêche du jour sans chichi. Quel poisson ? Entier, coupé ? À la plancha ? À moins que vous ne préfériez la carte des huîtres… Une escale garantie 100 % sympa, 100 % fraîcheur !
En voiture, Etretat est à 200 km de Paris via la A 13. De Paris-St Lazare, train jusqu’à Bréauté-Beuzeville et correspondance en bus vers Etretat. Infos train + location de voiture sur Oui Sncf.
Dans un parc boisé dominant les falaises d’Etretat, cet hôtel de charme flirte avec l’esprit du XIXe siècle. 25 chambres stylées + un salon cosy en verrière + la table « terre & mer » du chef Gabin Bouguet.
Chemin de Saint Clair, 76790 Étretat
A 2 mn de la plage de Fécamp, dans une petite rue tranquille, cette cosy petite maison en briques se loue en tribu, le temps d’un week-end ou +. 4 chambres, cuisine équipé, jardin de poche & tout wifi.
44 rue Louis Caron, 76400 Fécamp
Colombages, cour pavée, chambres douillettes… Joliment restauré par l’ex-Parisienne Sylvie Besnard, ce relais de poste du XVIIe siècle offre une escale de charme au bord de la Veule.
13 rue Dr Girard, 76980 Veules les Roses
Dans le quartier du « Pollet », à Dieppe, cet ancien couvent en briques du XIXe siècle abrite 4 petites chambres en duplex, ouvertes sur un jardin clos. C’est aussi l’atelier du peintre local Bernard Clarisse.
11 rue des Capucins, 76200 Dieppe
Dans cette demeure cauchoise du XIXe siècle, à 9 km de Fécamp, le chef étoilé Pierre Caillet propose des spécialités normandes revisitées et un impressionnant plateau de fromages normands.
22 rue André Fiquet, 76540 Valmont
Nounoute, c’est la patronne de ce restau sans chichi du port de Fécamp, lambrissé de bois blanc. Chez elle, on déguste la pêche du jour : plateau de fruits de mer, raie aux câpres et à la crème, sole meunière-frites…
3 place Nicolas Selle, 76400 Fécamp
Friture d’éperlans, foie de lotte mariné, barbue au beurre de crustacé ou sole au beurre citronné : les produits de la mer sont au rendez-vous dans ce joli bistrot du quartier du Pollet, près du pont tournant.
23 rue Tête-de-Boeuf, 76200 Dieppe
Au coeur du quartier des docks, cette brasserie à la mode dieppoise propose huîtres à la carte et vaste choix de poissons frais du jour dans un décor de nappes blanches et murs de carreaux peints.
Cours de Dakar, 76200 Dieppe