Un LIVRE, UNE VOIX
Madame Bâ, Erik Orsenna, éd. Le Livre de Poche
Née en 1947 sur les bords du fleuve Sénégal, Madame Marguerite Bâ raconte son enfance émerveillée au bord du fleuve, l’amour que lui portait son père, l’apprentissage au contact des oiseaux…
Un extrait de 2 mn 42 lu par Jeanne Fichou
« Un soir, au retour de la petite ville voisine, Médine, s’éleva, devant le capot bleu de notre 203 Peugeot, un nuage. Assez sombre pour en saisir les contours. Assez clair pour distinguer au travers le rouge du soleil finissant.
— C’est un djinn, murmura Manama.
Elle tremblait.
Mes frères et sœurs se jetèrent en hurlant sur le plancher rouillé de la voiture au risque de l’effondrer, une bonne fois, sur la route. Moi, plus curieuse encore que peureuse (trait de caractère qui m’est resté et rend si forte l’envie de visiter votre France, pays de la plus grande diversité, d’après ce qu’on dit), demeurai à mon poste, à droite d’Ousmane, ma tempe contre son épaule, mon menton bien calé sur la banquette avant.
La drôle de fumée bougeait toute seule. Elle s’étirait, se courbait, se tordait, partait en vrille, disparaissait pour revenir l’instant d’après. Capricieuse, ivre d’elle-même. Une danseuse sans maître, uniquement occupée de sa fantaisie, d’enchaîner les formes, les figures. Voyez comme je suis. Telle et telle, et encore autre si je veux. Une musique lancinante accompagnait le ballet, des piaillements brefs, aujourd’hui je dirais des cris de plaisir.
Quand la fumée finit par s’évanouir, Manama revint à la vie.
— Rendons grâces à Dieu, le djinn nous a épargnés.
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